La microdélétion 22q11 est un autre exemple illustratif, en particulier de la dimension trouble des apprentissages. En effet, il apparaît que pour les formes les plus légères, les troubles instrumentaux et visuo-spatiaux représentent l’essentiel de la symptomatologie et conduisent à des difficultés scolaires qui sont d’autant plus handicapantes qu’elles surviennent majoritairement vers 12-13 ans (elles passent relativement inaperçues avant), lorsque la scolarité fait appel à l’abstraction. A ce moment-là, il est un peu tard pour les rééducations qui sont moins efficaces et surtout prennent plus de temps.
C’est l’une des causes génétiques la plus fréquente de retard de développement, de déficit intellectuel et de troubles psychiatriques, touchant 1 nouveau né sur 5 000 (21). Au plan phénotypique, ce syndrome est parfois présenté par l’acronyme CATCH-22 (C = trouble Cardiaque, A = faciès Anormal, T = hypoplasie Thymique, C = fente palatine (Cleft palate en anglais), H = hypocalcémie ) (22). Les troubles psychiatriques sont également variés: schizophrénie, autisme (23), THADA (24) ou troubles bipolaires (25), sont présents chez 30 % à 56 % des sujets (26). En ce qui concerne les schizophrénies, on estime que 20 à 35 % des patients présentant une microdélétion 22q11 (Del 22) répondent aux critères de schizophrénie du DSM IV (27, 28). D’un autre coté, dans de larges populations de schizophrènes, la prévalence de cette anomalie génétique est trouvée dans une fréquence variable de 5 % (29) à moins de 1% (30-32), selon les études.
Les patients présentant une microdélétion 22q11 ont un indice verbal généralement supérieur à l’indice de performance aux tests de Wechsler, et ils ont également un déficit sélectif au plan visuo-spatial et de la mémoire (33-36). Le niveau d’efficience est variable, allant de 50 à 100 selon les (37). Au plan de la répartition, on observe que la plupart des sujets ont une intelligence limite, 30 à 40% ont un retard mental moyen, et le retard mental sévère est rare (38).
Le profil cognitif de ces patients est marqué par les troubles de l’attention visuo-spatiale et des processus cognitifs de numération (39). Ce profil spécifique est également retrouvé chez les enfants entre 5 et 12 ans qui montrent une mémoire visuo-spatiale inférieure à la mémoire verbale de façon quasi constante, ce qui est particulièrement intéressant pour notre propos (40). Les difficultés en mathématiques et en numération ont été rapportées avec constance dans cette population (24, 39, 41). Les difficultés sont à la fois dans le domaine de l’arithmétique que dans la résolution de problème et de planification (exemple Tour de Londres); on retrouve aussi des difficultés de fonctionnement social (en liens avec les troubles instrumentaux ?) (34, 35).
Les conséquences de ces troubles sont sévères, puisque 70 à 90 % des patients ont des difficultés d’apprentissage (26). Ces difficultés sont largement supérieures à celles d’enfants de niveaux intellectuels comparables et sont donc principalement dues à leurs troubles instrumentaux.
Chez ses patients, la composante dyspraxique en lien avec les troubles visuo-spatiaux, est responsable, en grande partie, d’une dyscalculie, de troubles de la logique et de la construction spatiale (géométrie dans l’espace au plan scolaire). De fait, nombre de patients présente un parcours scolaire convenable, au prix d’efforts importants jusqu’en 4ème (classe de l’abstraction), où leur niveau s’effondre souvent dramatiquement. On sait également que les patients dyspaxiques peuvent présenter des troubles des compétences sociales (voir article de J. Xavier dans ce même ouvrage) et que cela peut donc amener à des troubles de l’adaptation compliquant la scolarité.
Ces éléments, dyspraxie, dyscalculie, compétences sociales, et 2ème partie de scolarité difficile, alors même que le niveau intellectuel (en particulier verbal) est préservé, forment un profil spécifique dont il convient de tenir compte pour prendre en charge ces patients. Il est donc essentiel d’évaluer les conséquences scolaires, et de pouvoir les anticiper, de proposer une évaluation des troubles des apprentissages complexes de ces patients, de comprendre et d’analyser quelles sont leurs qualités d’interaction (pairs, famille, enseignants…), leurs capacités réelles d’insertion et de réaliser un bilan psychiatrique, en raison des risques de troubles associés. Cette évaluation multi-axiale, que nous appelons diagnostic fonctionnel, est cruciale et va donc bien au-delà du simple Quotient Intellectuel, trop souvent, et dans le meilleur des cas, seule évaluation dont vont bénéficier les patients présentant une microdéletion 22q11.